Deux héros antiques : Hercule et Thésée

Publié par C. Bacon

  Fichier:Herakles Farnese MAN Napoli Inv6001 n01.jpg Pour compléter le cours, vous trouverez plusieurs textes : des extraits de la tragédie d'Euripide, Héraclès furieux et de celle de Racine, Phèdre.

 

 

 

 

 

 

 

Hercule

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'hydre de Lerne Les oiseaux du lac Stymphale La biche de Cérynie
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Cerbère Le lion de Némée Les pommes d'or des Hespérides

 

 

 

 

 

Euripide, HÉRACLÈS FURIEUX

traduction française de Henri Berguin. (Garnier)

La pièce se déroule après les 12 travux ; la chronologie "habituelle" de la vie du héros est donc bouleversée.

Pendant qu'Héraclès est descendu aux Enfers et qu'on le croit mort, Lycos a usurpé son trône et s'apprête à tuer sa famille ; Megara, ses enfants et Amphitryon ont déjà revêtus leurs habits de deuil. Héraclès, de retour, vient de tuer Lycos mais Héra, pour se venger, charge Iris de le rendre fou.

Iris est une des plus anciennes divinités. Toujours assise auprès du Trône d'Héra, elle est prête à exécuter ses ordres. Son emploi le plus important était de couper le cheveu fatal des femmes qui allaient mourir.

 

IRIS

Rassurez-vous. Vous voyez ici, vieillards, la fille de la Nuit, Lyssa; et moi, je suis la servante des dieux, Iris. La ville n'aura pas à souffrir de notre venue : c'est un seul homme et sa famille que nous attaquons, celui qu'on dit né de Zeus et d'Alcmène. Tant qu'il n'avait pas achevé ses pénibles travaux, le destin le protégeait, et son père, Zeus, ne permettait jamais à Héra ni à moi de lui faire du mal. Mais maintenant qu'il a mené à terme les épreuves imposées par Eurysthée, Héra veut qu'il se souille du sang des siens, qu'il abatte ses fils; et je le veux avec elle.

Va donc, trempe ton coeur inexorable, fille de la sombre Nuit, vierge étrangère à l'hymen; jette cet homme dans les accès de la démence; qu'il tue ses enfants, dans les troubles de la folie; fais-lui danser une danse forcenée; excite-le; lâche le câble du meurtre pour qu'il fasse passer le cours de l'Achéron à ses fils, merveilleuse couronne; que de sa propre main il les tue; qu'il sache ce qu'est la haine d'Héra pour lui, ce qu'est la mienne. Les dieux ne seront plus rien, mais l'humanité aura la puissance, s'il n'est pas puni.

 

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Héraclès a tué Lycos, celui qui avait usurpé son trône et menacé sa famille, et, dans un accès de folie, a tué sa femme et ses enfants : un messager fait le récit du drame au choeur des vieillards.

LE CHŒUR

Horrible meurtre ! horribles mains d'un père ! Ah !

LE MESSAGER

Nulle parole ne pourrait égaler nos malheurs.

LE CHŒUR

Comment sur les enfants la calamité, la calamité lamentable que tu annonces a-t-elle puni leur père? Dis-nous de quelle façon se sont abattus du ciel sur le palais de tels malheurs ; dis-nous les terribles infortunes de ses fils.

LE MESSAGER

Les victimes étaient devant le foyer de Zeus. On devait purifier la maison, le roi du pays ayant été tué et son cadavre jeté hors du palais par Héraclès. Le choeur gracieux des enfants se tenait auprès du père d'Héraclès et de Mégara. Autour de l'autel avait déjà circulé la corbeille et nous gardions un silence religieux. Il allait prendre dans sa main droite un tison pour le plonger dans l'eau lustrale. Leur père s'arrêtant, ses fils tournent vers lui leurs regards. Il n'était plus le même; il roulait les yeux, décomposé; ses prunelles, veinées de sang, sortaient de leurs orbites; la bave dégouttait sur sa barbe touffue. Il dit avec un rire de dément : « Père, à quoi bon allumer, avant d'avoir tué Eurysthée, le feu purificateur, et prendre double peine quand je puis d'un seul coup achever tout ? Quand j'aurai apporté ici la tête d'Eurysthée, je purifierai mes mains des deux meurtres à la fois. Répandez l'eau; rejetez de vos mains la corbeille. Qu'on me donne mon arc. Qu'on me donne l'arme de mon bras. Je pars pour Mycènes. Il faut prendre des leviers et des pioches pour renverser les assises que les Cyclopes ont ajustées au cordeau enduit de pourpre et au ciseau; avec un pic de fer je les abattrai d'un coup, de fond en comble. » Alors il se met en marche. Il n'a pas d'attelage, mais il prétend en avoir un; il monte sur le siège du char et comme s'il avait un aiguillon fait le geste de frapper.

Deux sentiments partageaient les serviteurs, l'envie de rire et la crainte. Ils se regardent; l'un dit : « S'amuse-t-il de nous, notre maître, ou est-il fou ? » Mais lui parcourt de haut en bas le palais; il se précipite au milieu de la salle des hommes; il prétend qu'il est arrivé dans la ville de Nisos, qu'il est entré dans une maison. Il s'étend sur le sol et, sans tarder, se prépare un repas. Courte halte; car bientôt il déclare qu'il se dirige vers les vallons boisés de l'Isthme et ses plateaux. Alors il se met nu, ayant dégrafé et quitté son manteau. Il lutte contre un être imaginaire, puis il se croit un héraut et, ordonnant le silence, se proclame glorieux vainqueur... d'un absent. Puis il fait retentir de terribles menaces contre Eurysthée; car il prétend qu'il est à Mycènes. Son père touche sa main puissante et lui dit : « O mon fils, qu'as-tu ? Quelle est cette façon de voyager ? Ne serait-ce pas le sang de ceux que tu viens de tuer qui t'a jeté dans ces transports bachiques ? » Mais lui croit que c'est le père d'Eurysthée qui tremble pour son fils et qui le supplie en lui touchant la main : il le repousse, met à portée son carquois et son arc pour tuer ses fils, croyant que ce sont ceux d'Eurysthée. Eux, tremblants de terreur, se précipitent en tous sens, l'un contre la robe de sa malheureuse mère, l'autre dans l'ombre d'une colonne; le troisième, au pied de l'autel comme un oiseau se blottit. La mère crie : « Malheureux père, que fais-tu ? Ce sont tes enfants! tu veux les tuer ? » Cris du vieillard, de la foule des serviteurs. Lui s'élance, tourne après son fils autour de la colonne, fait volte-face, terrible, devant lui se dresse, l'atteint au foie. L'enfant gît sur le dos; le marbre des piliers est couvert de son sang; il expire. Héraclès pousse un cri de joie et, triomphant : « Voilà tué un des petits d'Eurysthée; de la haine de son père sa mort m'a vengé. » Il dirige son arc sur un autre qui contre la base de l'autel s'était tapi, croyant y être bien caché. Le malheureux devance son père, se jette à ses genoux, tend la main vers son menton et son cou : « O père chéri, s'écrie-t-il, ne me tue pas, père : je suis à toi, je suis ton fils; ce n'est pas celui d'Eurysthée que tu vas tuer. » Mais lui roule les yeux farouches d'une Gorgone; et comme l'enfant se tient trop près de l'arc funeste, avec le geste du forgeron qui frappe le fer rouge, au-dessus de la tête il brandit la massue, l'abat sur la tête blonde de l'enfant, fracasse ses os. Après avoir tué le second de ses fils, il marche à sa troisième victime pour l'égorger sur les deux autres. Mais il est devancé par la malheureuse mère; elle soustrait l'enfant et l'emporte dans l'intérieur du palais; elle ferme les portes. Mais lui, comme s'il était justement devant les murs des Cyclopes, il sape, il force au levier les battants, il fait sauter les jambages, puis abat son épouse et son fils d'un seul trait. Alors il s'élance pour tuer le vieillard. Mais survient une apparition. Tous les yeux reconnaissent Pallas brandissant une lance (texte altéré) ; elle jette contre la poitrine d'Héraclès une pierre qui arrête sa furie de meurtre et dans le sommeil le plonge. Il tombe sur le sol; son dos heurte une colonne qui, dans la chute du toit brisée en deux, gisait sur sa base. Délivrés, nous ne pensons plus à fuir. Nous aidons le vieillard à lier son fils avec les courroies qui lui servaient de guides; nous l'attachons à une colonne pour qu'à son réveil il n'ajoute pas un nouveau crime à ses forfaits. Il dort, l'infortuné; de quel triste sommeil! Il a tué ses fils et son épouse. Pour moi, je ne connais pas un mortel qui soit plus malheureux.

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Héraclès s'est réveillé et a appris ce qu'il venait de faire ; il s'adresse à son père, Amphitryon, et à Thésée.

HÉRACLÈS

Vieillard, tu me vois partir pour l'exil; tu vois que j'ai tué de ma propre main mes fils. Donne-leur une tombe, ensevelis leurs corps, honore-les de tes larmes — car la loi me l'interdit, à moi. — Qu'ils reposent sur le sein de leur mère; mets-les dans ses bras; qu'ils soient tous unis dans le malheur comme ils l'étaient avant mon crime involontaire. Quand la terre aura recouvert leurs cadavres, habite cette cité, malgré ta douleur. Fais violence à ton coeur, aide-moi à supporter mes malheurs.

O mes enfants, celui qui vous a engendrés et vous a donné le jour, votre père, vous a fait périr! vous n'avez pas profité de mes exploits, de ce que je vous préparais par les travaux de mon existence, de ma gloire, noble héritage d'un père! Et toi, je t'ai bien mal récompensée, ô malheureuse, en te tuant, d'avoir sauvegardé l'honneur de ma couche sans faillir et d'avoir si longtemps et si courageusement veillé sur mon foyer!

Hélas! Malheureuse épouse et malheureux enfants! Malheureux moi-même! Sort terrible! Je suis séparé de mes enfants et de ma femme! O cruelle douceur de leurs baisers (rassemblant ses flèches) et cruelle nécessité de vivre avec mes armes pour compagnes! Je ne sais si je dois les garder ou les abandonner. Battant à mes flancs, elles me diront : « C'est par nous que tu as tué tes enfants et ta femme; en nous tu gardes les meurtriers de tes fils. » Et je pourrais les porter encore à mes épaules! Et pourquoi ? Mais dois-je me dépouiller de ces armes avec lesquelles j'ai accompli mes glorieux exploits en Grèce, me livrer à mes ennemis et à une mort honteuse ? Non, je ne dois pas les abandonner, mais malgré ma douleur les garder.

Il n'y a qu'un service que je te demande, Thésée : c'est pour le prix du chien de malheur. Viens avec moi à Argos le réclamer. Je crains, dans mon chagrin d'avoir perdu mes enfants, de faire un malheur si je suis seul.

O terre de Cadmos ! O peuple thébain, rasez vos têtes, prenez tous le deuil, allez au tombeau de mes fils, et tous ensemble, pleurez sur les morts et sur moi. Tous nous avons péri : Héra d'un seul coup nous a plongés dans de cruelles infortunes.

THÉSÉE

Relève-toi, ô malheureux : c'est assez de larmes.

 

 

 

 Hercule au XXe siècle

Le péplum italien des années 1950 a exploité abondamment le personnage d'Hercule, avec par exemple le film de 1959, Hercule et la reine de Lydie, avec l'acteur Steve Reeves.

 

Disney s'est aussi emparé du personnage pour un de ses dessins animés en 1997, mais là encore, l'histoire est très loin de la légende antique !

Thésée
Thésée est un des plus grands héros grecs, athénien à l'origine ; il est le fondateur de la démocratie notamment. L'épisode le plus connu est son combat contre le Minotaure en Crète, dans le labyrinthe créé par Dédale.
Racine (1639-1699), Phèdre (1677)

Pendant que Thésée est parti combattre brigands  et monstres et est descendu aux Enfers chercher Perséphone, Phèdre

Acte I, scène 3 : vers 255 à 306

Phèdre avoue à Œnone, sa nourrice et confidente, son amour pour Hippolyte, son beau-fils, le fils de son mari Thésée.
Œnone
Aimez-vous ?
Phèdre
De l’amour j’ai toutes les fureurs.
Œnone
Pour qui ?
Phèdre
Tu vas ouïr le comble des horreurs.
J’aime… à ce nom fatal, je tremble, je frissonne.
J’aime…
Œnone
Qui ?
Phèdre
Tu connais ce Fils de l’Amazone,
Ce Prince si longtemps par moi-même opprimé ?
Œnone
Hippolyte ? Grands Dieux !
Phèdre
C’est toi qui l’as nommé !
Œnone
Juste ciel ! Tout mon sang dans mes veines se glace !
Ô désespoir ! Ô crime ! Ô déplorable race !
Voyage infortuné ! Rivage malheureux,
Fallait-il approcher de tes bords dangereux ?
Phèdre
Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée
Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi,
Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps, et transir
3 et brûler.
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables.
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.
D’un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brûlait l’encens :
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
J’adorais Hippolyte, et le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer.
J’offrais tout à ce dieu, que je n’osais nommer.
Je l’évitais partout. Ô comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j’osai me révolter :
J’excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,
J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;
Je pressai son exil, et mes cris éternels
L’arrachèrent du sein, et des bras paternels.
Je respirais, Œnone. Et depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence ;
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
J’ai revu l’Ennemi que j’avais éloigné :
Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C’est Vénus toute entière à sa proie attachée.

Racine, Phèdre, II, 5, v. 631-662



Oui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée.
Je l'aime, non point tel que l'ont vu les enfers,
Volage adorateur de mille objets
1 divers,
Qui va du Dieu des morts déshonorer la couche
2,
Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche,
Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi,
Tel qu'on dépeint nos Dieux, ou tel que je vous voi
3.
Il avait votre port, vos yeux, votre langage,
Cette noble pudeur colorait son visage,
Lorsque de notre Crète il traversa les flots,
Digne sujet des vœux des filles de Minos
4.
Que faisiez-vous alors ? Pourquoi sans Hippolyte
Des héros de la Grèce assembla-t-il l'élite ?
Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors
Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ?
Par vous aurait péri le monstre de la Crète
5,
Malgré tous les détours de sa vaste retraite.  
Pour en développer l'embarras incertain
6,
Ma sœur du fil fatal eût armé votre main.
Mais non, dans ce dessein je l'aurais devancée ;
L'amour m'en eût d'abord
7inspiré la pensée.
C'est moi, Prince, c'est moi dont l'utile secours
Vous eût du Labyrinthe enseigné les détours.
Que de soins m'eût coûtés cette tête charmante !
Un fil n'eût point assez rassuré votre amante.
Compagne du péril qu'il vous fallait chercher,
Moi-même devant vous j'aurais voulu marcher ; 
Et Phèdre au Labyrinthe avec vous descendue
Se serait avec vous retrouvée, ou perdue.



1 Objets : femmes aimées.

2 Thésée a accompagné aux Enfers son ami Pirithoüs, désireux d’enlever Proserpine à son époux Pluton, le dieu des morts.

3 Voi : licence poétique pour la rime.

4 Phèdre et sa sœur Ariane

5 Le Minotaure vivait enfermé dans le Labyrinthe, construit par Dédale.

6 Pour vous faire sortir de cette situation difficile

7d’abord : aussitôt

, la femme de Thésée, la soeur d'Ariane, est tombée amoureuse d'Hippolyte, le fils de Thésée et d'une amazone.

Hercule Farnèse, Musée de Naples

 

Hercule vieillissant et fatigué après les 12 travaux ; il porte la peau du lion de Némée, la massue, et dans sa main, derrière son dos, trois pommes d'or du jardin des Hespérides.





Les 12 travaux



  • Tuer le Lion de Némée ;
  • Tuer l'Hydre de Lerne ;
  • Capturer le sanglier d'Érymanthe ;
  • Vaincre à la course la Biche de Cérynie ;
  • Abattre les oiseaux du lac Stymphale ;
  • Capturer le taureau crétois de Minos ;
  • Dompter les juments de Diomède ;
  • Ramener la ceinture dorée d'Hippolyte, la Reine des Amazones ;
  • Nettoyer les écuries d'Augias ;
  • Voler les bœufs de Géryon ;
  • Voler les pommes d'or du jardin des Hespérides ;
  • Enchaîner Cerbère.



Publié dans Langues anciennes

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