Spécialité Humanités, littérature et philosophie en terminale : l'émancipation féminine

Publié le par C. Bacon

Afin de traiter cette question, dans le cadre de la première partie du programme de terminale, Education, transmission et émancipation, je vous propose ici différentes ressources.

Vous pouvez également consulter les pages consacrées à cette question dans le manuel Hachette.

 

Tout d'abord, je vous invite à lire un article sur une femme auteur du Moyen-Âge, Christine de Pisan. Vous trouverez ensuite des extraits d'oeuvres littéraires : Les femmes savantes de Molière, La femme gelée d'Annie Ernaux, la Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne d'Olympe de Gouges, des discours comme ceux de Malala Yousafzai et de Chimananda Ngozi Adichie et d'autres documents.

Vous pourrez également trouver des ressources sur le site du Ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.

 

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Christine de Pisan, une "féministe" au Moyen Âge

Molière, Les Femmes savantes, 1672 – Acte I, scène 1 (extrait)

Henriette et Armande sont deux sœurs ; Henriette songe à se marier mais sa sœur pense qu'elle a tort de souhaiter ce sort.

ARMANDE

Ah fi, vous dis-je.

Ne concevez-vous point ce que, dès qu’on l’entend, 

Un tel mot à l’esprit offre de dégoûtant ?
De quelle étrange image on est par lui blessée ?
Sur quelle sale vue il traîne la pensée ?
N’en frissonnez-vous point ? et pouvez-vous, ma sœur,
Aux suites de ce mot résoudre votre cœur ?

HENRIETTE

Les suites de ce mot, quand je les envisage,
Me font voir un mari, des enfants
, un ménage ;
Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner,
Qui blesse la pensée, et fasse frissonner.

ARMANDE

De tels attachements, ô Ciel ! sont pour vous plaire ?

HENRIETTE

Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire,
Que d’attacher à soi, par le titre d’époux,
Un homme qui vous aime, et soit aimé de vous ;
Et de cette union de tendresse suivie,
Se faire les douceurs d’une innocente vie ?

Ce nœud bien assorti n’a-t-il pas des appas ?

ARMANDE

Mon Dieu, que votre esprit est d’un étage bas !
Que vous jouez au monde un petit personnage
,
De vous claquemurer aux choses du ménage,
Et de n’entrevoir point de plaisirs plus touchants,

Qu’un idole d’époux, et des marmots d'enfants !
Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires,
Les bas amusements de ces sortes d’affaires.
À de plus hauts objets élevez vos désirs,
Songez à prendre un goût des plus nobles plaisirs,

Et traitant de mépris les sens et la matière,
À l’esprit comme nous donnez-vous toute entière :
Vous avez notre mère en exemple à vos yeux,
Que du nom de savante on honore en tous lieux,
Tâchez ainsi que moi de vous montrer sa fille,

Aspirez aux clartés qui sont dans la famille,
Et vous rendez sensible aux charmantes douceurs
Que l’amour de l’étude épanche dans les cœurs :
Loin d’être aux lois d’un homme en esclave asservie ;
Mariez-vous, ma sœur, à la 
philosophie,

Qui nous monte au-dessus de tout le genre humain,
Et donne à la raison l’empire souverain,
Soumettant à ses lois la partie animale 
Dont l’appétit grossier aux bêtes nous ravale.
Ce sont là les beaux feux, les doux attachements,

Qui doivent de la vie occuper les moments ;
Et les soins où je vois tant de femmes sensibles,
Me paraissent aux yeux des pauvretés horribles.

HENRIETTE

Le Ciel, dont nous voyons que l’ordre est tout-puissant,
Pour différents emplois
 nous fabrique en naissant ;

Et tout esprit n’est pas composé d’une étoffe
Qui se trouve taillée à faire un philosophe.
Si le vôtre est né propre aux élévations
Où montent des savants les spéculations,
Le mien est fait, ma sœur, pour aller terre à terre,

Et dans les petits soins son faible se resserre.
Ne troublons point du Ciel les justes règlements,
Et de nos deux instincts suivons les mouvements ;
Habitez par l’essor d’un grand et beau génie,
Les hautes régions de la philosophie
,

Tandis que mon esprit se tenant ici-bas,
Goûtera de l’hymen les terrestres appas.
Ainsi dans nos desseins l’une à l’autre contraire,
Nous saurons toutes deux imiter notre mère ;
Vous, du côté de l’âme et des nobles désirs,

Moi, du côté des sens et des grossiers plaisirs ;
Vous, aux productions d’esprit et de lumière,
Moi, dans celles, ma sœur, qui sont de la matière.

ARMANDE

Quand sur une personne on prétend se régler,
C’est par les beaux côtés qu’il lui faut ressembler ;

Et ce n’est point du tout la prendre pour modèle,
Ma sœur, que de tousser et de cracher comme elle.

HENRIETTE

Mais vous ne seriez pas ce dont vous vous vantez,
Si ma mère n’eût eu que de ces beaux côtés ;
Et bien vous prend, ma sœur, que son noble génie

N’ait pas vaqué toujours à la philosophie.
De grâce souffrez-moi par un peu de bonté
Des bassesses à qui vous devez la clarté ;
Et ne supprimez point, voulant qu’on vous seconde,
Quelque petit savant qui veut venir au monde.

Peut être un dessin animé de texte

 

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La vie des femmes avant...

La vie d'une femme dans les années 1960

 

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La vie des femmes ailleurs, aujourd'hui...

 

Mais il est intéressant aussi de voir ce qui se passe outre Atlantique, aux Etats-Unis, car on peut être très surpris...

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Simone de Beauvoir, Marguerite Yourcenar, Elizabeth Badinter et Gisèle Halimi sur les femmes et le féminisme

Elisabeth BADINTER, L’Un est l’Autre (1986), partie II, chapitre 3.

"La relation homme / femme s’inscrit dans un système général de pouvoir, qui commande le rapport des hommes entre eux. Cela explique qu’à l’origine, les premiers coups portés contre le patriarcat le furent par les hommes et non par les femmes. Avant de penser à ruiner le pouvoir familial du père, il fallait d’abord abattre le pouvoir politique absolu du souverain et saper ses fondements religieux. Telle est l’évolution que connaissent toutes les sociétés occidentales à travers révolutions et réformes, et cela jusqu’au XXe siècle. Mais, si les hommes eurent à cœur de construire une nouvelle société fondée sur l’égalité et la liberté, leur projet, d’abord politique puis économique et social, ne concernait qu’eux-mêmes, puisqu’ils s’en voulaient les seuls bénéficiaires.

Les hommes ont lutté pour l’obtention de droits dont ils prirent soin d’exclure les femmes. Quel besoin avaient-elles de voter, d’être instruites ou d’être protégées, à l’égal des hommes, sur leurs lieux de travail ? L’égalité s’arrêtait aux frontières du sexe, car, si la plupart des hommes cherchaient à se débarrasser du patriarcat politique, ils voulaient à tout prix maintenir le patriarcat familial. D’où l’avertissement constamment répété, au XIXe siècle, par les conservateurs et l’Église : en luttant pour plus de liberté et d’égalité, vous portez atteinte à la puissance paternelle et vous sapez les fondements de la famille…

Le combat mené pendant deux siècles par les démocrates fut sans conteste la cause première de la chute du système patriarcal. Mais il n’en fut pas la raison suffisante. Ce sont les femmes, alliées aux plus justes d’entre eux, qui achevèrent péniblement le travail. Il leur fallut presque deux siècles pour faire admettre à leurs pères et époux qu’elles étaient des « Hommes » comme tout le monde : les mêmes droits devaient s’appliquer à leurs compagnons et à elles-­mêmes, ils devaient partager ensemble les mêmes devoirs.

L’évidence enfin reconnue est lourde de conséquences. Non seulement parce qu’elle met fin à un rapport de pouvoir entre les sexes plusieurs fois millénaire, mais surtout parce qu’elle inaugure une nouvelle donne, qui oblige à repenser la spécificité de chacun. Les valeurs démocratiques furent fatales au roi, à Dieu-le-père et au Père-Dieu. Elles rendirent par là même caduques les définitions traditionnelles des deux sexes et n’ont pas fini de laisser perplexe et d’inquiéter une partie du monde."

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Chimananda Ngozi Adichie, "Nous sommes tous des féministes"

Vous trouverez ci-dessous la vidéo de son discours en anglais (durée 30 minutes), sous titré en anglais ; pour ceux qui préfèrent le voir avec un sous-titrage en français : https://www.youtube.com/watch?v=C8a_BzRlXYc

Annie Ernaux, La femme gelée, 1981 (extrait)

Dans ce roman largement autobiographique, la narratrice montre les limites de l’émancipation féminine dans les années 60, pour comprendre comme une femme peut se trouver « encarcanée », dépossédée d’elle-même et de toutes ses aspirations. Mariée à un étudiant en droit pourtant plein de théories idéales sur l’égalité des sexes, elle est vite happée par un conditionnement imposé par la société et voit sa vie confisquée par toutes les tâches ménagères qu’elle est finalement seule à accomplir. Cette jeune femme perd ses propres désirs de liberté pour devenir comme tant d’autres une « femme gelée ».

Un mois, trois mois que nous sommes mariés, nous retournons à la fac, je donne des cours de latin. Le soir descend plus tôt, on travaille ensemble dans la grande salle. Comme nous sommes sérieux et fragiles, l’image attendrissante du jeune couple moderno-intellectuel. Qui pourrait encore m’attendrir si je me laissais faire, si je ne voulais pas chercher comment on s’enlise, doucettement. En y consentant lâchement. D’accord je travaille La Bruyère ou Verlaine dans la même pièce que lui, à deux mètres l’un de l’autre. La cocotte-minute, cadeau de mariage si utile vous verrez, chantonne sur le gaz. Unis, pareils. Sonnerie stridente du compte-minutes, autre cadeau. Finie la ressemblance. L’un des deux se lève, arrête la flamme sous la cocotte, attend que la toupie folle ralentisse, ouvre la cocotte, passe le potage et revient à ses bouquins en se demandant où il en était resté. Moi. Elle avait démarré, la différence. Par la dînette. Le restau universitaire fermait l’été. Midi et soir je suis seule devant les casseroles. Je ne savais pas plus que lui préparer un repas, juste les escalopes panées, la mousse au chocolat, de l’extra, pas du courant. Aucun passé d’aide-culinaire dans les jupes de maman ni l’un ni l’autre. Pourquoi de nous deux suis-je la seule à me plonger dans un livre de cuisine, à éplucher des carottes, laver la vaisselle en récompense du dîner, pendant qu’il bossera son droit constitutionnel. Au nom de quelle supériorité. Je revoyais mon père dans la cuisine. Il se marre, « non mais tu m’imagines avec un tablier peut-être ! Le genre de ton père, pas le mien ! ». Je suis humiliée. Mes parents, l’aberration, le couple bouffon. Non je n’en ai pas vu beaucoup d’hommes peler des patates. Mon modèle à moi n’est pas le bon, il me le fait sentir. Le sien commence à monter à l’horizon, monsieur père laisse son épouse s’occuper de tout dans la maison, lui si disert, cultivé, en train de balayer, ça serait cocasse, délirant, un point c’est tout. À toi d’apprendre ma vieille. Des moments d’angoisse et de découragement devant le buffet jaune canari du meublé, des oeufs, des pâtes, des endives, toute la bouffe est là, qu’il faut manipuler, cuire. Fini la nourriture-décor de mon enfance, les boîtes de conserve en quinconce, les bocaux multicolores, la nourriture surprise des petits restaurants chinois bon marché du temps d’avant. Maintenant, c’est la nourriture corvée.

Je n’ai pas regimbé, hurlé ou annoncé froidement, aujourd’hui c’est ton tour, je travaille La Bruyère. Seulement des allusions, des remarques acides, l’écume d’un ressentiment mal éclairci. Et plus rien, je ne veux pas être une emmerdeuse, est-ce que c’est vraiment important, tout faire capoter, le rire, l’entente, pour des histoires de patates à éplucher, ces bagatelles relèvent-elles du problème de la liberté, je me suis mise à en douter. Pire, j’ai pensé que j’étais plus malhabile qu’une autre, une flemmarde en plus, qui regrettait le temps où elle se fourrait les pieds sous la table, une intellectuelle paumée incapable de casser un oeuf proprement. Il fallait changer. À la fac, en octobre, j’essaie de savoir comment elles font les filles mariées, celles qui, même, ont un enfant. Quelle pudeur, quel mystère, « pas commode » elles disent seulement, mais avec un air de fierté, comme si c’était glorieux d’être submergée d’occupations. La plénitude des femmes mariées. Plus le temps de s’interroger, couper stupidement les cheveux en quatre, le réel c’est ça, un homme, et qui bouffe, pas deux yaourts et un thé, il ne s’agit pas d’être une braque. Alors, jour après jour, de petits pois cramés en quiche trop salée, sans joie, je me suis efforcée d’être la nourricière, sans me plaindre.

« Tu sais, je préfère manger à la maison plutôt qu’au restau U, c’est bien meilleur ! » Sincère, et il croyait me faire un plaisir fou. Moi je me sentais couler. Version anglaise, purée, philosophie de l’histoire, vite le supermarché va fermer, les études par petits bouts c’est distrayant mais ça tourne peu à peu aux arts d’agrément. J’ai terminé avec peine et sans goût un mémoire sur le surréalisme que j’avais choisi l’année d’avant avec enthousiasme. Pas eu le temps de rendre un seul devoir au premier trimestre, je n’aurai certainement pas le capes, trop difficile. Mes buts d’avant se perdent dans un flou étrange. Moins de volonté. Pour la première fois, j’envisage un échec avec indifférence, je table sur sa réussite à lui, qui, au contraire, s’accroche plus qu’avant, tient à finir sa licence et sciences po en juin, bout de projets. Il se ramasse sur lui-même et moi je me dilue, je m’engourdis.

Quelque part dans l’armoire dorment des nouvelles, il les a lues, pas mal, tu devrais continuer. Mais oui, il m’encourage, il souhaite que je réussisse au concours de prof, que je me « réalise » comme lui. Dans la conversation, c’est toujours le discours de l’égalité. Quand nous nous sommes rencontrés dans les Alpes, on a parlé ensemble de Dostoïevski et de la révolution algérienne. Il n’a pas la naïveté de croire que le lavage de ses chaussettes me comble de bonheur, il me dit et me répète qu’il a horreur des femmes popotes.

Intellectuellement, il est pour ma liberté, il établit des plans d’organisation pour les courses, l’aspirateur, comment me plaindrais-je. Comment lui en voudrais-je aussi quand il prend son air contrit d’enfant bien élevé, le doigt sur la bouche, pour rire, « ma pitchoune, j’ai oublié d’essuyer la vaisselle… » tous les conflits se rapetissent et s’engluent dans la gentillesse du début de la vie commune, dans cette parole enfantine qui nous a curieusement saisis, de ma poule à petit coco, et nous dodine tendrement, innocemment.

Et aujourd'hui, quels nouveaux combats ?

Il ne faut pas se tromper, rien n'est acquis, comme on le voit avec la lutte qui continue partout dans le monde pour des droits qui nous semblaient solides il y a quelques années, comme le droit à l'avortement qui ne cesse d'être remis en questions dans des pays où il existait, même pour des cas exceptionnels (en Pologne par exemple : https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2021/10/poland-a-year-on-abortion-ruling-harms-women/ ; https://www.francetvinfo.fr/societe/ivg/pologne-la-loi-restrictive-sur-l-avortement-une-nouvelle-fois-mise-en-cause-dans-la-mort-d-une-femme-enceinte_4930561.html, aux Etats-Unis dans certains états comme au Texas https://www.lemonde.fr/international/article/2021/10/02/aux-etats-unis-la-bataille-pour-le-droit-a-l-avortement-descend-dans-la-rue_6096834_3210.html...).

Mais dans nos pays occidentaux, la lutte pour l'émancipation féminine a de nouveaux territoires à explorer : s'émanciper de l'image de la femme jeune et désirable pour donner une vraie place à celles qui ont dépassé 40 ans, s'émanciper du modèle masculin de la vie en entreprise pour y trouver une place qui nous corresponde, et ne pas accepter de voir supprimer les droits des femmes dans des débats très contemporains (article de Charlie Hebdo sur les dangers du transactivisme).

 

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L'éducation des femmes dans le monde

Discours de Malala Yousafzai prononcé lors de l'assemblée des Nations Unies pour la jeunesse, 12 juillet 2013.

 

« Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
Honorable Secrétaire général, M. Ban Ki-moon,
Respecté Président de l’Assemblée générale Vuk Jeremic
Honorable émissaire de l’ONU pour l’éducation mondiale M. Gordon Brown,
Aînés respectés et mes chers frères et sœurs.

Aujourd’hui, c’est un honneur pour moi de prendre la parole à nouveau après longtemps. Être ici avec des personnes si honorables est un grand moment dans la vie.

Je ne sais pas par où commencer mon discours. Je ne sais pas ce que les gens s’attendent à ce que je dise. Mais tout d’abord, merci à Dieu, pour qui nous sommes tous égaux, et merci pour toute personne qui a prié pour mon rétablissement rapide et une nouvelle vie. Je ne peux pas croire à quel point les gens m’ont montré de l’amour. J’ai reçu des milliers de bonnes cartes de vœux et des cadeaux venant du monde entier. Merci à tous. Merci à tous les enfants dont les paroles innocentes m’ont encouragée. Merci à mes aînés dont les prières m’ont donné de la force.

Je tiens à remercier mes infirmières, les médecins et tout le personnel des hôpitaux au Pakistan et au Royaume-Uni et le gouvernement des Émirats arabes unis qui m’ont aidé à aller mieux et à récupérer mes forces. Je soutiens pleinement M. Ban Ki-moon, le Secrétaire général, dans son Initiative « Education First » et le travail de l’envoyé spécial de l’ONU, M. Gordon Brown. Et je les remercie tous les deux pour l’impulsion qu’ils continuent à apporter. Ils continuent à nous donner envie d’agir.

Chers frères et sœurs, souvenez-vous de quelque chose. Le « Malala day » n’est pas mon jour. Aujourd’hui est le jour de chaque femme, de chaque garçon et de chaque fille qui ont élevé la voix pour leurs droits. Il y a des centaines de militants des droits de l’homme et de travailleurs sociaux qui non seulement parlent en faveur des droits de l’homme, mais qui se battent pour atteindre leurs objectifs d’éducation, de paix et d’égalité. Des milliers de personnes ont été tuées par les terroristes et des millions ont été blessés. Je ne suis que l’un d’entre eux.

Donc ici, je suis… une fille parmi d’autres.
Je parle — non pour moi, mais pour toutes les filles et les garçons.
J’élève ma voix – pas pour que je puisse crier, mais pour ceux qui n’ont pas voix puissent être entendus.
Ceux qui ont lutté pour leurs droits :
Leur droit de vivre en paix.
Leur droit d’être traité avec dignité.
Leur droit à l’égalité des chances.
Leur droit à l’éducation.

Chers amis, le 9 octobre 2012, les talibans m’ont tiré sur le côté gauche de mon visage. Ils ont tiré sur mes amis aussi. Ils pensaient que les balles allaient nous faire taire. Mais ils ont échoué. Et puis, sur ce silence se sont élevées des milliers de voix. Les terroristes pensaient qu’ils pourraient nous faire changer d’objectifs et arrêter nos ambitions, mais cela n’a rien changé dans ma vie, sauf ceci : la faiblesse, la peur et le désespoir sont morts. La force, la puissance et le courage sont nés. Je suis la même Malala. Mes ambitions sont les mêmes. Mes espoirs sont les mêmes. Mes rêves sont les mêmes.

Chers frères et sœurs, je ne suis contre personne. Je ne suis pas non plus ici pour parler en termes de vengeance personnelle contre les talibans ou contre tout autre groupe de terroristes. Je suis ici pour parler du droit à l’éducation de chaque enfant. Je veux de l’éducation pour les fils et les filles de tous les extrémistes, en particulier les Talibans.

Je n’ai même pas de haine contre le Talib qui m’a tiré dessus. Même si j’avais un pistolet en main et qu’il se trouvait en face de moi, je ne lui tirerais pas dessus. C’est la compassion que j’ai apprise de Mohammed, le prophète de la miséricorde, que j’ai apprise de Jésus-Christ et de Bouddha. C’est l’héritage du changement que j’ai hérité de Martin Luther King, de Nelson Mandela et de Muhammad Ali Jinnah. C’est la philosophie de la non-violence que j’ai apprise de Gandhi Jee, de Bacha Khan et de Mère Teresa. Et c’est le pardon que mon père et la mère m’ont appris. Et c’est ce que mon âme me dit, soit pacifique et aimant pour tout le monde.

Chers frères et sœurs, c’est dans les ténèbres que nous nous rendons compte de l’importance de la lumière. Nous sommes conscients de l’importance de notre voix quand nous sommes réduits au silence. De la même manière, lorsque nous étions à Swat, dans le nord du Pakistan, nous avons réalisé l’importance des stylos et des livres quand nous avons vu les armes de guerre.

Cette parole sage est vraie : « La plume est plus puissante que l’épée ». Les extrémistes ont peur des livres et des stylos. La puissance de l’éducation leur fait peur. Ils ont peur des femmes. La puissance de la voix des femmes leur fait peur. Et c’est pourquoi ils ont tué 14 étudiants en médecine innocents dans l’attentat récent de Quetta. Et c’est pourquoi ils ont tué de nombreuses enseignantes et de personnes luttant contre la polio à Khyber Pukhtoon Khwa et les zones tribales du Pakistan. C’est pourquoi ils dynamitent chaque jour des écoles. Parce qu’ils étaient et qu’ils ont encore peur du changement, peur de l’égalité que nous apporterons dans notre société.

Je me souviens qu’il y avait un garçon dans notre école à qui un journaliste a demandé « Pourquoi est-ce que les talibans sont contre l’éducation ? » Il a répondu très simplement, en montrant son livre, il dit : « Un Talib ne sait pas ce qui est écrit dans ce livre. » Ils pensent que Dieu est une toute petite personne conservatrice qui enverrait des filles en l’enfer juste parce qu’elles sont allées à l’école. Les terroristes utilisent à mauvais escient le nom de l’Islam et de la société pachtoune pour leurs propres avantages personnels. Le Pakistan est un pays démocratique qui aime la paix. Les Pachtounes veulent l’éducation de leurs filles et de leurs fils. Et l’Islam est une religion de paix, d’humanité et de fraternité. L’Islam dit que ce n’est pas seulement le droit de chaque enfant de recevoir une éducation, il, mais que c’est leur devoir et leur responsabilité.

Monsieur le Secrétaire général, la paix est nécessaire à l’éducation. Dans de nombreuses parties du monde, en particulier au Pakistan et en Afghanistan, le terrorisme, les guerres et les conflits empêchent les enfants d’aller à l’école. Nous sommes vraiment fatigués de ces guerres. Les femmes et les enfants souffrent dans de nombreuses régions du monde à bien des égards. En Inde, des enfants innocents et pauvres sont victimes du travail des enfants. Beaucoup d’écoles ont été détruites au Nigeria. Les gens en Afghanistan ont été empêchés de vivre par l’extrémisme depuis des décennies. Les jeunes filles ont à faire du travail domestique et sont obligées de se marier à un âge précoce. La pauvreté, l’ignorance, l’injustice, le racisme et la privation des droits fondamentaux sont les principaux problèmes rencontrés par les hommes et les femmes.

Chers amis, aujourd’hui je me concentre sur les droits des femmes et l’éducation des filles parce que ce sont elles qui souffrent le plus. Il fut un temps où des femmes militantes ont demandé à des hommes de se lever pour défendre leurs droits. Mais, cette fois, nous allons le faire nous-mêmes. Je ne dis pas aux hommes d’arrêter de parler en faveur des droits des femmes, mais je me concentre sur cet objectif, que les femmes soit autonomes dans leurs propres combats.

Chers sœurs et frères, le moment pour parler est venu.
Aujourd’hui, donc, nous appelons les dirigeants du monde à changer leurs politiques stratégiques en faveur de la paix et de la prospérité.
Nous appelons les dirigeants du monde afin que tous les accords de paix protègent effectivement les droits des femmes et des enfants. Un accord qui va à l’encontre de la dignité des femmes et de leurs droits est inacceptable.
Nous appelons tous les gouvernements à garantir une éducation gratuite et obligatoire pour tous les enfants du monde entier.
Nous appelons tous les gouvernements à lutter contre le terrorisme et la violence, à protéger les enfants contre les brutalités et les dommages.
Nous appelons les pays développés à soutenir l’expansion des possibilités d’éducation pour les filles dans le monde en développement.
Nous appelons toutes les communautés à faire preuve de tolérance. À rejeter les préjugés fondés sur les castes, les croyances, les confessions, les religions ou le sexe. À garantir la liberté et l’égalité pour les femmes afin qu’elles puissent s’épanouir. Nous ne pouvons pas tout réussir si la moitié d’entre nous sont tenus en arrière.
Nous appelons nos sœurs du monde entier à être courageuses — à prendre en main la force qui est en elle-même et à réaliser leur plein potentiel.

Chers frères et sœurs, nous voulons des écoles et de l’éducation pour offrir un avenir lumineux à chaque enfant. Nous allons continuer notre voyage vers notre objectif de paix et d’éducation pour tous. Personne ne peut nous arrêter. Nous allons parler de nos droits et nous allons changer les choses par nos paroles. Nous devons croire en la puissance et la force de nos mots. Nos mots peuvent changer le monde.
Parce que nous sommes tous ensemble, unis pour la cause de l’éducation. Et si nous voulons atteindre notre objectif, alors nous nous laisserons renforcer par cette arme qu’est le savoir et nous nous laisserons protéger par l’unité et la solidarité.

Chers frères et sœurs, nous ne devons pas oublier que des millions de personnes souffrent de la pauvreté, de l’injustice et de l’ignorance. Nous ne devons pas oublier que des millions d’enfants ne vont pas à l’école. Nous ne devons pas oublier que nos frères et sœurs sont en attente d’un avenir pacifique et lumineux.

Alors, laissez-nous mener une lutte globale contre l’analphabétisme, la pauvreté et le terrorisme et nous prendrons en main nos livres et nos stylos. Ce sont nos armes les plus puissantes.

Un enfant, un enseignant, un stylo et un livre peuvent changer le monde.

L’éducation est la seule solution. Education First. »

 

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Une liste d'oeuvres que vous pouvez lire ou voir :

Littérature : 

Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe

Gisèle Halimi, La Cause des femmes

Yasmina Khadra, Les hirondelles de Kaboul 

Driss Chraïbi, La civilisation, ma mère 

Virginia Woolf, Un lieu à soi

Chow Ching Lie, Le palanquin des larmes (Chine) 

Marjane Satrapi, Persépolis (BD, Iran)

Louisa May Alcott, Les Quatre filles du Docteur March (Little Women)

Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent (Gone with the wind)

Kathryn Stockett, La couleur des sentiments

Malala Yousafzai, Moi, Malala

Angela Davis, Femmes, race et classe

Doris Lessing, Le carnet d'or

Nicholas Kristof et Sheryl Wudunn, La moitié du ciel

Maya Angelou, Je sais pourquoi l'oiseau chante en cage

Malala Yousafzai, Moi Malala

Chimananda Ngozi Adichie, Americana

Sans oublier les grands romans anglais :

Jane Austen, Raison et sentiments, Orgueil et préjugé...

Charlotte Brontë, Jane Eyre

Anne Brontë, La locataire du manoir de Wildfell (The tenant of Wildfell Hall)

 

Quelques films

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