Pourquoi aujourd'hui je n'ai plus envie d'être professeur de l'éducation nationale

Publié le par C. Bacon

Pourquoi aujourd'hui je n'ai plus envie d'être professeur de l'éducation nationale

Enseigner était une vocation. Dès la classe de 4e, quand j'ai découvert l'enseignement du grec ancien, j'ai su que je voulais devenir professeur de lettres classiques. Par amour du français, du grec, et, comme je le pressentais déjà, du latin, commencé après le baccalauréat. Par envie de partager cette passion avec d'autres.

Ensuite, après quelques expériences de l'enseignement, j'ai hésité devant la difficulté du métier que seuls des gens qui ont dû tenir une classe comprennent vraiment. J'ai travaillé 3 ans en entreprise, dans un bureau, 35 heures par semaine, avec 5 semaines de congés payés et des RTT. Puis je suis revenue par envie vers l'enseignement et j'ai passé les concours. C'était il y a 11 ans.

J'ai pris et je prends toujours beaucoup de plaisir à faire cours, même si c'est un exercice de plus en plus difficile, à apprendre des choses à mes élèves, à leur faire découvrir des auteurs français, latins, et grecs quand j'en ai la possibilité, à leur faire découvrir les civilisations gréco-romaines et donc à leur donner les clés pour comprendre le monde dans lequel ils vivent et pour réfléchir, mais aussi à leur expliquer comment, avec du travail et de la rigueur, ils peuvent progresser.

Mais depuis ce matin, quand j'ai découvert que le projet de réforme du collège avait été publié au JO pendant la nuit, juste après le mouvement de grève d'hier, je n'ai plus envie.

Je n'ai plus envie de travailler pour un ministère qui place les intérêts économiques avant ceux de nos enfants.

Je n'ai plus envie de travailler pour un ministère qui s'obstine à toujours préparer des réformes qui partent toujours de la rue de Grenelle, de gens enfermés dans des bureaux et qui soit n'ont jamais enseigné, soit plus depuis 30 ans !

Je n'ai plus envie de travailler pour un ministère qui ne prend pas en compte l'avais de ceux qui sont sur le terrain parce qu'il les méprise en pensant qu'il faut faire preuve de pédagogie à leur égard (s'ils avaient fait du grec, ils sauraient que la pédagogie s'adresse à des enfants, pas à des adultes qui savent lire:).

Je n'ai plus envie de travailler pour un ministère qui méprise ses opposants, se contente de les entendre mais refuse de les écouter et qui pense aujourd'hui que les enseignants sont juste inquiets de la façon dont la réforme va être appliquée et qu'il va suffire de discours vides pour les rassurer et les ramener sur le droit chemin.

Je n'ai plus envie de continuer un métier qui ne me permettra plus d'enseigner le latin et le grec.

Je n'ai plus envie de continuer un métier qui ne me permettra plus d'enseigner correctement le français : les horaires sont devenus tellement ridicules, alors même qu'on constate tous les jours le niveau alarmant des jeunes en lecture, écriture, maîtrise de la langue, que je ne vois pas comment, dans ce contexte, je pourrais avoir encore l'illusion de servir à quelque chose.

Je n'ai plus envie que la nation entière me mette sur le dos l'échec de la jeunesse alors que je fais tout ce que je peux avec les faibles moyens qui me sont accordés, l'image navrante que même mon ministère donne de moi (voir notamment le fameux hashtag du jeudi : http://www.gouvernement.fr/partage/4182-college2016-ce-qui-va-changer-avec-la-reforme?) et qu'ont beaucoup de gens qui n'ont aucune idée de ce qu'enseigner veut dire.

Un professeur qui aime l'enseignement, qui a lu attentivement les textes et les a compris, et qui ne peut plus croire qu'il peut aider ses élèves et être efficace dans les conditions de la nouvelle réforme du collège.

Et parce que je ne suis pas la seule à faire le même constat sur la réforme du collège, je vous propose :

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